Voir et pouvoir: qui nous surveille?

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Consulter aussi une vidéo sur la notion de sousveillance.

Voir commentaire d'Isabelle Audras publié dans la Newsletter de l'APA (American Philosophy Association) lien

Courriel: Jean-Gabriel@Ganascia.name

Sommaire

  1. Images d’aujourd’hui

    1. Le jardin d’Évelyne
    2. Questions actuelles
    3. Les yeux de verre de Jennifer
    4. L’œil-robinet de Steve Mann
  2. Architectures de surveillance et de sousveillance

    1. Le Panopticon
    2. Sousveillance et équiveillance
    3. Le Catopticon
    4. Anatomie de la transparence
  3. Extensions et frontières

    1. Clôture du Panopticon
    2. Extension planétaire
    3. Extension virtuelle
  4. « Réontologisation »

    1. Organismes informationnels
    2. Rappels sur l’information
    3. Le virtuel en acte
  5. L’âme des hommes, des bêtes et des orins

    1. La querelle de l’âme des machines
    2. Âmes et agents
  6. Le grand Catopticon

    1. Biosphère, logosphère et infosphère
    2. Obligations morales
    3. Modernité du grand Catopticon
    4. Unicité du grand Catopticon
  7. L’avenir d’une utopie

    1. Une utopie moderne
    2. Réalité des Catopticons
    3. Universalité du grand Catopticon
    4. Limitations intrinsèques
  8. 1984 est-il derrière ou devant nous ?

    1. De l’éthique du Panopticon…
    2. … vers une éthique du Catopticon
    3. Fin de la politique
    4. Coexistence
    5. Les yeux d’Argos


Quelques pages...

Avant-Propos

Nos ancêtres les Gaulois

Il en va trop souvent, pour nos contemporains, du monde créé par les technologies de l’information comme, pour les anciens Gaulois, que met en scène la célèbre bande dessinée Astérix, du ciel : beaucoup craignent qu’il ne nous tombe sur la tête ! Les raisons varient. Parmi nos compatriotes, certains, surtout chez les descendants de ces farouches Gaulois, se désespèrent à l’idée de voir s’évanouir leurs petits avantages. D’autres redoutent peut-être la remise en question de leurs habitudes de vie. Mais le parallèle avec les Gaulois suggère l’existence d’une autre appréhension, plus déconcertante certes, mais peut-être plus fondée. En effet, nos ancêtres putatifs affrontaient vaillamment les pires épreuves ; ils ne reculaient jamais devant le sacrifice de leur vie ou, tout au moins, ils ne l’auraient pas avoué, en atteste Strabon selon qui « des Celtes rencontrèrent Alexandre afin d’établir avec lui des rapports d’amitié et d’hospitalité. Le Roi, qui les avait accueillis avec cordialité, leur demanda, dans les fumées du vin, ce qu’ils craignaient le plus, persuadé qu’ils allaient le désigner lui-même ; mais ils répondirent qu’ils n’avaient peur de personne, qu’ils craignaient seulement la chute du ciel sur leur tête, mais qu’ils plaçaient plus haut que tout l’amitié d’un homme comme lui »1. La crainte de voir le ciel leur tomber sur la tête ne provenait donc pas d’une simple peur de la mort.

Chez ces hommes anciens, l’inquiétude tenait à une angoisse bien plus essentielle, celle d’un retour au chaos primordial. Selon les cosmogonies de la plupart des peuples indo-européens, un événement initial aurait séparé la Terre, le Ciel et les Enfers. Si par aventure le Ciel chutait, ces trois mondes se rejoindraient et se confondraient. On se retrouverait alors dans un état informe et primitif analogue à celui d’avant la séparation des éléments. On conçoit la terreur qui naît à cette idée. Dans une certaine mesure, la sensation d’assister, impuissant, au déploiement d’une technologie qui « nous tombe sur la tête » et qui bouleverse l’organisation sociale provoque une crainte analogue. Nos repères se perdent. Et, les catégories sur lesquelles nos principes moraux se construisaient se confondent.

Pour éclairer les choses, évoquons les travaux d’un philosophe contemporain, Jean-Marc Ferry, pour qui la relation de l’homme au monde se structure selon des catégories analogues à celles qui régissent les grammaires des langues naturelles2. Selon cet auteur, l’individu solitaire tourné sur lui-même, sur ses sensations et sur ses satisfactions, c’est-à-dire le moi, répond à la première personne, autrement dit au pronom personnel « je » ; l’autre, celui sur lequel le sujet s’ouvre dans le dialogue, répond à la seconde personne, à savoir au « tu » ; enfin, la chose, voire l’animal – ou éventuellement l’homme – lorsqu’on le réduit à n’être que le simple instrument de nos volontés, répond à la troisième personne, c’est-à-dire au « il ». De même, le verbe s’oppose au nom, comme l’action s’oppose à la substance et à l’être. Et les différents modes sous lesquels les verbes sont conjugués répondent aux différentes modalités sous lesquelles l’action s’envisage : l’indicatif renvoie à l’action effective faite, en train de se faire ou qui se fera ; le subjonctif à l’action rêvée, souhaitée ou simplement imaginée ; le conditionnel à la possibilité de l’action ; enfin, l’impératif à l’ordre donné. Or, consécutivement aux évolutions technologiques que nous vivons actuellement, l’usage de ces catégories semble se modifier, au point que certaines d’entre elles deviennent obsolètes et que d’autres se confondent, voire s’intervertissent.

À titre d’illustration, on peut noter le remplacement assez surprenant du « vous » par le « tu » dans certaines émissions télévisées, entre journalistes et hommes politiques ; la familiarité de chaque téléspectateur avec les protagonistes l’emporte alors sur le caractère nécessairement officiel, parce que public, de l’entretien. Cette posture répond sans doute à un impératif contemporain d’effacement des distances et d’abolition des hiérarchies. Ce faisant, elle nie la neutralité et la réserve requises par la fonction politique, puisqu’elle prétend pénétrer dans l’espace privé de la personne investie. Mentionnons aussi que la commande des robots se fait assez naturellement à la deuxième personne, sur le mode du dialogue, là où le caractère strictement matériel et instrumental des machines aurait dû imposer la troisième personne. Ajoutons enfin que, de plus en plus souvent, l’indicatif se substitue au subjonctif, en particulier en ce qui concerne la finance et les nouvelles technologies, où les effets d’annonce sont monnaie courante. Tout se passe alors comme s’il y avait confusion entre l’action effective et ce qui ne se donne qu’en puissance, au titre de simple virtualité.

Dans ces évolutions, l’opposition entre ce qui relève de l’intimité du sujet face à lui-même, de la délibération intérieure, de la conscience morale, autrement dit du « je », et ce qui relève de la personne publique, non seulement du « tu », c’est-à-dire du dialogue entre deux personnes, mais aussi et surtout du « vous », semble comme mise en cause. Songeons aux émissions dites de « télé réalité », où les individus exposent en public leurs « cas de conscience » ; songeons aux jeux à élimination où l’on filme un groupe de jeunes gens en direct et en continu ; songeons aux blogs et aux réseaux sociaux, où les individus s’exhibent à loisir. Sans doute y eut-il, depuis longtemps, des journaux intimes et des lettres où des femmes et des hommes rapportaient les événements de leur vie tout en y confiant leurs impressions et leurs sentiments. Ils destinaient éventuellement ces écrits, correspondances privées ou carnets à leurs proches, mais ils ne les divulguaient généralement pas au public, même s’il y eut, en particulier depuis le XVIIIe siècle avec Jean-Jacques Rousseau, des écrivains pour publier les mémoires de leur vie, en remaniant plus ou moins ce matériau. Cependant, dans tous les cas, le dévoilement de l’intimité restait l’exception et exigeait une forme de pudeur, alors qu’aujourd’hui il devient une habitude commune et se fait sans retenue aucune. Avec les outils que les techniques modernes mettent à la disposition de tous, ces publications sont à la portée de chacun d’entre nous, même des plus jeunes ; elles n’exigent plus ni talent ni effort. Et il devient courant de divulguer à tous vents les détails de sa vie personnelle, surtout les moins avouables. Dès lors, la séparation entre le privé intime et le public tend, si ce n’est à disparaître complètement, du moins à s’estomper. Or cette séparation structura l’univers politique pendant des siècles. Elle s’inscrit dans une perspective historique. Elle fonda la naissance de l’État de droit. Sa disparition marque donc une rupture qu’il convient d’examiner plus avant.

La séparation du privé et du public

La séparation entre le public et le privé est apparue il y a bien longtemps. Déjà, dans la Grèce antique, on opposait la société politique à l’association naturelle des hommes qui s’entraident pour affronter les nécessités de la vie. D’un côté, des animaux humains, centrés autour du foyer et de la famille, songent à surmonter les épreuves et à satisfaire leurs besoins élémentaires ; de l’autre, des individus libres décident collectivement de leur destin. La sphère privée touche aux exigences domestiques, à l’alimentation, au gîte et à la reproduction ; la sphère publique à la vie commune, à l’éloquence et à l’organisation de la cité. Les femmes, les enfants et les esclaves participent à la première ; ils sont exclus de la seconde. Les citoyens appartiennent aux deux ; ils assument simultanément leur rôle de père de famille et leur fonction politique. Grâce à leur richesse, ils assurent leur subsistance et celle de leur maisonnée en travaillant le moins possible, ce qui leur laisse le loisir de se consacrer presque entièrement aux affaires de la cité et de prendre leur place dans l’espace public.

Au milieu du XXe siècle, la philosophe Hannah Arendt dressa une archéologie de cette séparation dans un livre admirable tout entier consacré à la condition de l’homme moderne 3. Elle y montre que, dès son origine, la sphère publique recouvre le champ du politique ; elle explique ensuite comment, au cours des siècles, la géométrie des espaces publics et privés évolua et remodela le corps politique.

À l’âge moderne, un bouleversement majeur intervint : l’intime individuel fit son apparition dans la sphère privée, ce qui redessina les frontières du politique. La séparation entre les sphères privée et publique prit alors une forme nouvelle. Auparavant, l’individu appartenait à un ordre : fils, fermier, vassal, sujet, créature, il se soumettait intégralement à celui ou à ceux qui le dominaient, père, maître, seigneur, roi ou Dieu. Rien n’y échappait. Le souverain possédait l’entièreté de sa personne, il en disposait à loisir. L’intime, le personnel, la vie psychique n’avaient pas de statut. La réflexion sur les droits individuels qui s’élabora progressivement à partir de la Renaissance contribua à instituer une frontière entre le public et le privé individuel. Qu’ils se fondent, comme chez Hugo Grotius, au XVIIe siècle, sur la notion de droit naturel, c’est-à-dire sur l’existence de droits imprescriptibles et intrinsèques à l’homme dans l’état de nature, ou, comme chez Thomas Hobbes à la même époque 4 puis chez Jean-Jacques Rousseau, sur l’idée de contrat social, c’est-à-dire de lois sur lesquelles les hommes se mettent d’accord pour vivre en société5, les droits individuels instaurent une distinction entre ce qui relève des choix personnels, à savoir le privé individuel, et ce qui a trait à la volonté générale, autrement dit le public. Cela conduisit les hommes à s’émanciper tout à la fois de l’absolutisme royal et de la tutelle des autorités religieuses, pour instituer une nouvelle sphère publique6. L’espace politique démocratique, qui s’imposa progressivement en Occident avec la notion d’État de droit, naquit de cette reconfiguration.

La laïcité, au sens où on l’entend en France, repose en partie sur une séparation du même ordre, entre une sphère publique qui régit les institutions d’intérêt général, à savoir l’école, l’armée, l’hôpital, etc., et une sphère privée individuelle relative, entre autres, à la vie confessionnelle et aux convictions personnelles. Il existe toutefois de grands États modernes, comme la Grande-Bretagne et les États-Unis, où la laïcité prend une signification différente, et qui pourtant instituent aussi une séparation très nette à la fois entre l’église et l’État et entre la vie privée et la vie publique. Soulignons que ces États protègent la liberté de conscience et se refusent à toute intervention dans les affaires religieuses. Ils reconnaissent donc à tous, femmes et hommes, le droit d’exprimer publiquement leurs croyances et de manifester leur spiritualité, tandis qu’en France, certains lieux et certaines fonctions exigent une réserve.

Au reste, même dans l’institution de la laïcité à la française, la sphère religieuse va au-delà de l’intimité individuelle, car il existe des manifestations publiques à caractère religieux, dans les lieux publics que sont les églises, les temples, les synagogues ou les mosquées. D’ailleurs les ordres confessionnels gèrent des écoles et des hôpitaux, institutions qui relèvent, à l’évidence, de la sphère publique. En cela, la dissociation entre public et privé se distingue de la laïcité, qui impose seulement la neutralité d’une partie de la sphère publique. Et il existe certainement d’autres ordres de distinctions qui structurent l’espace public.

Dès l’origine, la séparation entre sphère publique et sphère privée individuelle ne s’est pas faite sans tensions, comme le montrent les débats qui eurent lieu chez les Jacobins pendant la Révolution française7. D’un côté, l’émancipation de l’individu devenu adulte et autonome légitime le projet révolutionnaire. D’un autre côté, il appartient au public d’assurer l’égalité et la subsistance de tous et de prendre la défense de la société face à l’individu. La république, c’est-à-dire l’institution qui gère les choses publiques, doit fournir à tous l’accès aux biens essentiels. Il lui faut veiller à ce que certains n’abusent pas de leur pouvoir pour en oppresser d’autres et pour les soumettre à leur volonté. C’est au nom de la société, en particulier de la défense des plus démunis, que se justifie l’intrusion du public dans l’intimité individuelle8. Et parfois l’arbitrage du public favorise trop le collectif ; celui-ci prend alors le pas sur l’individu et sur le politique, au point de les engloutir, ce qui conduit à une forme de totalitarisme.

Or nous assistons aujourd’hui à une double évolution. D’une part, nous sommes suivis à la trace par nos téléphones portables, nos cartes à puces (cartes de crédit, de santé, de transport, etc.), les antennes radiofréquence (ou ce que l’on appelle en anglais les RFID, pour Radio Frequency Identification) qui nous équipent et les satellites de télédétection qui viendront bientôt nous chercher jusque dans nos jardins. Et toutes les informations à caractère personnel recueillies, qu’il s’agisse de celles qui ont trait à l’état civil, à la situation financière, à la santé des individus, à leurs déplacements, aux échanges électroniques ou même aux conversations téléphoniques, etc., se transmettent aisément, le plus souvent à notre insu, au point d’être potentiellement accessibles à tous. À cela s’ajoutent des tendances exhibitionnistes chez nombre de nos contemporains, en particulier chez les adolescents, qui mettent à la disposition de tous, sur des blogs ou des réseaux sociaux, des renseignements très personnels sur leurs goûts et leurs habitudes. Nous pourrions donc craindre l’avènement d’une « société de surveillance » qui renforcerait considérablement la puissance publique et l’emprise du collectif au détriment de la personne privée et de la liberté individuelle.

D’autre part, nous constatons un essor des individualismes qui tend à l’épanouissement du moi et donc à un renforcement de la sphère privée de l’intimité. À cela s’ajoute une exigence de transparence au profit de l’individu, qui s’impose désormais à tous les échelons de la société, en particulier dans l’administration, dans la gestion de l’État, dans la diplomatie, voire même dans la relation entre le malade et son médecin, etc. Les technologies contemporaines facilitent la satisfaction de cette exigence : en effet, les obstacles matériels et financiers à la publication – c’est-à-dire, au sens étymologique, à l’action par laquelle on porte une chose à la connaissance du public – massive de toutes les informations et à leur diffusion disparaissent. Ces opérations deviennent de plus en plus aisées et leurs coûts s’effondrent, jusqu’à devenir quasiment nuls. De plus, du fait de la facilité des échanges à l’échelle planétaire, les gouvernements possèdent de moins en moins d’emprise sur les territoires qu’ils gèrent : désormais, des hommes et des femmes vivent, travaillent et paient des impôts dans un pays pendant des années sans éprouver la nécessité ni d’en apprendre la langue ni d’en adopter la culture. Grâce aux réseaux satellitaires de télévision, leurs enfants conservent un lien direct avec les parlers, les usages, les traditions, les mœurs de leurs grands-parents ; ils nourrissent un sentiment d’appartenance au pays de leurs ancêtres, où ils ne sont allés qu’occasionnellement, et en ressuscitent parfois des coutumes qu’ils n’ont pas pratiquées eux-mêmes dans leur enfance. Parallèlement, des bandes organisées bénéficient de l’extraterritorialité pour exercer en toute impunité des activités mafieuses, par exemple du rançonnage sur Internet. Et des groupes politiques lancent des appels à la haine et incitent les peuples à la violence sans être aucunement inquiétés. Dans le même temps, nous pouvons opérer des achats en ligne dans n’importe quel pays du monde sans nous soucier des barrières douanières ni de la législation, ou jouer au casino sur Internet en dépit des interdictions qui pèsent sur ces pratiques dans notre pays. Bref, du fait de la déterritorialisation des échanges, les États s’affaiblissent et tant l’autorité publique que le collectif relâchent leur emprise sur les individus. En conséquence, le privé individuel prend une part de plus en plus grande, au détriment de celle du public. Il se pourrait même, si cette tendance se poursuivait indéfiniment, que le public disparaisse au profit de la coalition des intérêts privés.

Notre monde voit donc s’affronter deux forces antagoniques : l’une conduit à un renforcement inquiétant du contrôle social, au point que certains ont le sentiment de ne plus pouvoir sceller d’information et de devoir livrer, par devers eux, toute leur personne au regard de surveillants anonymes susceptibles de prendre le pouvoir au nom de la collectivité et de s’affranchir de tout contrôle ; l’autre étend indéfiniment la sphère privée, qui pourrait, un jour, envahir tout l’espace. Beaucoup imaginent, souvent avec effroi, la soumission totale de la vie individuelle et de la vie politique aux prétendues exigences de la collectivité. Dans le passé, de nombreux romans de science fiction dont, par exemple, 1984 de George Orwell, s’en sont fait l’écho ; aujourd’hui, nombre de travaux portant, par exemple, sur la « société de surveillance » ou sur les menaces que font peser les technologies de la communication sur l’intimité de la vie privée9 évoquent cette perspective. En revanche, l’extension indéfinie de la sphère privée au détriment de la sphère publique a été beaucoup moins discutée. Nous nous proposons ici d’explorer cette éventualité. Selon nous, une réalité assez étrange et neuve du monde engendré par les technologies de l’information s’annonce là10. Et celle-ci s’amplifiera et prendra très certainement une part de plus en plus grande dans les sociétés développées. À cet égard, le titre d’un article paru le 17 mars 2009 dans le journal Le Monde sous la plume de Jean-Marc Manach, « La vie privée, un problème de vieux cons »11, résume la situation de façon lapidaire et imagée. Cette condamnation sans appel de la notion de vie privée ne doit pas faire illusion. L’intimité, autrement dit la vie intérieure, ne disparaît pas, personne ne songe à réprimer l’individu au profit de la collectivité ; bien au contraire, on pense plus que jamais à l’exalter pour l’aider à s’épanouir pleinement. Pour cela, on l’invite à faire fi de toute pudeur, à se libérer de sa timidité et à exprimer ses sentiments sans retenue aucune, avec une totale authenticité. Et l’on condamne toutes les restrictions à cette libre expression de soi comme autant de vaines pudeurs et de freins à l’épanouissement. À l’évidence, cette logique participe d’ores et déjà à notre quotidien. Bien des pratiques du monde contemporain tiennent à cette tendance, qui prescrit de nouvelles règles auxquelles il faut se soumettre. Or, comme nous le verrons dans la suite de ce livre, le développement indéfini d’une sphère privée susceptible d’envahir tout l’espace se révélerait au moins aussi effrayant que l’intrusion de la sphère publique dans toutes les activités humaines. Dans les deux éventualités, l’espace politique se trouve évacué. La première correspond à la montée des totalitarismes telle que l’a si bien retracée Hannah Arendt dans ses écrits ; la seconde, qui apparaît inédite, se fait jour dans le monde contemporain à la faveur d’un bouleversement inouï des processus de communication. Dans les deux cas, un équilibre s’impose pour préserver un espace au politique dans la sphère publique, en dépit de sa fragilité. Néanmoins, aujourd’hui, les analyses d’hier n’ont plus cours et il convient de redessiner les frontières entre espaces privés et espace public en regard de l’évolution considérable des technologies de l’information. Nous espérons, à travers ce livre, contribuer à une réflexion susceptible d’accompagner ce remodelage.

Vers un nouveau Nouveau Monde

Dans deux livres dont l’un est intitulé Le Grand Système12 et l’autre Civilisés, dit-on13, un anthropologue éminent, qui fut aussi un homme d’action engagé dans les luttes sociales de son temps, Georges Balandier, évoque le statut de sa discipline en ce début du XXIe siècle. D’après lui, l’inventaire de la planète, dans sa diversité géographique et humaine, aurait été dressé ; nous aurions exploré pratiquement tous les territoires ; il n’existerait plus de rites, de traditions, de coutumes qui resteraient préservés et qui nous demeureraient inconnus. La mondialisation globalisante aurait mis en relation toutes les cultures, brassant tous les héritages, effaçant toutes les frontières, qu’elles soient naturelles, comme les fleuves, les montagnes et les océans, ou politiques. Pour reprendre le titre d’un ouvrage à succès écrit par un éditorialiste du New York Times, Thomas Friedman, le monde serait désormais plat14 ! Et il n’existerait plus sur notre planète qu’un seul type humain, mû par une aspiration unique au bien-être et adoptant des références communes transmises par les satellites sur les réseaux mondiaux de télécommunications.

Cela sonnerait-il le glas de l’anthropologie culturelle, qui n’aurait plus rien de neuf à découvrir du fait de l’épuisement de la diversité humaine ? Non car, toujours d’après Georges Balandier, à ce tarissement des sources traditionnelles de l’anthropologie ferait pendant une situation nouvelle engendrée par la surmodernité actuelle : les sciences et les techniques contemporaines feraient surgir des territoires inédits qu’il nous reviendrait d’explorer avec des méthodes neuves. La curiosité anthropologique ne mourrait pas ; elle se modifierait en changeant à la fois d’objet d’étude et de méthodes.

Ainsi, en déplaçant la signification attachée au vivant, la biologie ferait évoluer l’attitude envers la naissance, la vie et la mort. Il nous appartiendrait d’apprécier ces évolutions non seulement au regard d’une connaissance des sociétés passées, mais aussi avec notre maîtrise des sciences contemporaines et de leurs enjeux. De même, les sciences et techniques du traitement de l’information changent les modes de communication dans des proportions inouïes, au point de transformer les échanges commerciaux et les relations de pouvoir. Signaux de fumée, tam-tam, sémaphore, télégraphe optique, on sait depuis longtemps transmettre de l’information au-delà de la portée de nos bras, de nos oreilles ou de nos yeux. Mais les ordres de grandeurs ont radicalement changé. Ce qui prenait des jours, voire des mois, s’effectue désormais quasiment instantanément, en quelques secondes. Les évolutions sont si rapides qu’elles surprennent et déroutent ; les repères acquis s’effondrent ; beaucoup se trouvent désemparés. Il nous appartiendrait donc, là encore, d’évaluer les changements pour mieux comprendre la condition de l’homme moderne. Le monde contemporain s’offre aujourd’hui à nous comme un monde à explorer, comme un Nouveau Monde, par analogie avec ce que fut l’Amérique pour les Espagnols du XVIe siècle. Personne ne saurait se vanter de le connaître déjà, ni les plus jeunes, parce qu’ils n’en ont pas encore l’expérience, ni les aînés, puisque ce monde diffère de celui dans lequel ils ont vécu au cours de leurs années de formation. Mais il apparaît aussi comme un monde neuf, qui naît sous nos yeux, et comme un monde à inventer, dont nous sommes les créateurs. En somme, pour reprendre les mots de Georges Balandier, c’est un « nouveau Nouveau Monde » qu’il nous est donné d’appréhender en faisant appel à des méthodes neuves, éventuellement inspirées de celles de l’anthropologie, et de fabriquer en ayant recours à des technologies qui restent encore, pour partie, à imaginer.

Ce redoublement du nouveau auquel nous sommes tous confrontés nous laisse doublement démunis. Nous devons comprendre ce qui se produit d’inédit sous nos yeux. Et, qui que nous soyons, nous éprouvons d’autant plus de mal à anticiper les conséquences induites par les changements technologiques que les sociétés dans lesquelles nous vivons et où s’opèrent ces transformations se présentent à nous sous un jour qui est double : d’un côté, elles nous sont familières, puisque nous leur appartenons et nous les habitons ; d’un autre côté, les évolutions y sont si brusques que les modes de vie, les institutions, les valeurs nous déconcertent. Tout homme arrivé à l’âge adulte se trouve aux prises avec une réalité différente de celle qu’il a connue dans son enfance.

Pour décrypter ce qui advient, pour explorer ce nouveau Nouveau Monde en gestation, l’observateur doit donc en quelque sorte se dédoubler, afin de prendre de la distance avec ce qui lui est proche et de se faire l’ethnologue de sa propre tribu. Sans doute les difficultés d’une telle opération abondent-elles. Il n’est pas question de les éluder, loin de là : nous nous proposons de les surmonter en analysant les schémas selon lesquels se nouent les relations sociales actuelles. Pour cela, nous ferons appel à une figure singulière, le Catopticon15, qui fait doublement écho, comme nous le verrons, à la pensée de Michel Foucault en ce qu’elle se présente comme un dispositif et en ce qu’elle évoque le Panopticon, cette architecture carcérale imaginée par le philosophe utilitariste anglais Jeremy Bentham à la fin du XVIIIe siècle, puis abondamment commentée par Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et punir16.

Rappelons que le mot « dispositif » apparaît, ainsi que le souligne Giorgio Agamben, comme un terme décisif dans la stratégie de pensée de Michel Foucault17. Sous ce vocable, Foucault essaie de repérer « un ensemble résolument hétérogène comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques […] ». Toujours selon Foucault, « le dispositif lui-même c’est le réseau qu’on établit entre ces éléments. […] Le dispositif a donc une fonction stratégique dominante […] il s’agit là d’une certaine manipulation de rapports de force, d’une intervention rationnelle et concertée dans ces rapports de force, soit pour les développer dans telle direction, soit pour les bloquer, ou pour les stabiliser, les utiliser. Le dispositif, donc, est toujours inscrit dans un jeu de pouvoir […] »18.

Dispositif nouveau, le Catopticon rassemble un entrelacement de faits, de discours, de pratiques, d’instruments, de procédés, d’aménagements administratifs, de lois, de règlements, de décisions de justice, qui constitue la modernité contemporaine. Il les cristallise. Il en souligne la singularité. Ce faisant, il nous aidera à montrer en quoi notre modernité tranche avec celle des Modernes. Avec lui, nous tenterons de comprendre les nouvelles réalités humaines. Le propos ne relève pas précisément d’une anthropologie du monde contemporain, qu’il s’agisse d’une anthropologie sociale au sens traditionnel d’une étude des mœurs, des langues et des coutumes, ou d’une anthropologie physique, qui porterait sur les adaptations de l’homme aux conditions matérielles de la vie moderne, par exemple sur l’homme appareillé ou sur ce que l’on appelle communément le « cyborg »19. Nous partirons de faits révélateurs de quelques tendances actuelles et nous essayerons de mettre à jour les schémas mentaux et les représentations implicites qui régissent ce nouveau Nouveau Monde de l’information.

Pour autant, cet ouvrage ne vise ni à donner une explication unique de ce qui se produit ni à prédire le futur. Il met en évidence des logiques sociales antagoniques qui coexistent, en particulier la logique de surveillance, que beaucoup craignent à juste titre, et la logique de dite de « sousveillance », que l’on connaît moins et dont on se soucie généralement assez peu. De leur opposition naissent des tensions. Nous ne saurions anticiper sur les évolutions futures. Nous n’annoncerons pas la suprématie de l’une de sur l’autre. En effet, aujourd’hui, aucune fatalité, rien d’inéluctable ne s’annonce à l’horizon. Et c’est justement parce qu’aucune évolution n’est assurée que nous devons prendre nos responsabilités pour effectuer des choix libres : quel monde voulons-nous construire, pour nous et pour nos enfants ? Mais, pour être en mesure de choisir, nous devons disposer d’un outillage conceptuel permettant d’approcher les réalités assez inédites dans lesquelles nous vivrons. Avec la notion de Catopticon, ce livre donne une clef d’interprétation neuve qui, nous l’espérons, aide à comprendre ce monde doublement nouveau qui surgit sous nos yeux, à le critiquer et à agir pour le construire à notre goût et à notre mesure.

Images d’aujourd’hui

Le jardin d’Évelyne

Évelyne l’appelait son « jardin d’Éden ». Elle s’y consacrait avec ferveur. Elle y courait au lever, y retournait le soir en rentrant du travail et y restait parfois jusqu’au coucher. Ce n’était pas un amusement, mais une passion. Cela lui occupait du temps. Ses loisirs y passaient. On aurait pu la voir comme prendre racine en contemplant ses fleurs. Elle retrouvait quotidiennement ce paradis intime qu’elle avait créé jour après jour, à force de ténacité et d’acharnement. Il lui en avait beaucoup coûté, mais elle était presque toujours parvenue à obtenir ce qu’elle avait souhaité. Parmi ses merveilles, elle chérissait par-dessus tout des fleurs blanches d’apparence charnue. Devant elles, elle ouvrait grand les yeux, elle frottait ses mains, elle s’avançait pour les contempler de plus près et son cœur se gonflait de joie. Il ne s’agissait pas seulement d’une de ces foucades que l’on ressent d’ordinaire face à des choses rares, uniques ou qui sont à la mode ; c’était aussi un trouble, un trouble si fort que, pour rien au monde, elle n’aurait accepté de s’en séparer.

Évelyne et Damek étaient voisins. Leurs jardins se jouxtaient l’un l’autre. Damek avait aussi une passion : il aimait les oiseaux et, par dessus tout, il affectionnait les paons. Ses volatiles passaient la journée à gambader et à criailler dans son jardin. Ils n’avaient aucune fonction, se contentant de faire la roue et d’exhiber leur magnifique plumage. Damek s’enthousiasmait pour ses paons. Cette passion n’était pas un attachement à quelque chose d’utile, mais à quelque chose de singulier, à ce que les autres n’ont pas et qui fait la distinction. Il commença avec un oiseau et finit avec mille. Ses invités étaient systématiquement conviés à visiter sa volière. Il montrait ses animaux et s’extasiait : « Quel plumage ! Il n’y en a pas d’autre semblable. » Ce n’était plus pour Damek un agréable amusement, c’était une affaire laborieuse, et à laquelle à peine il pouvait suffire. Il passait les jours, ces jours qui échappent et qui ne reviennent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures. Il est vrai que ce qu’il dépensait d’un côté, en soignant ses paons, il l’épargnait de l’autre, car il n’avait plus de loisirs : il s’enfermait chez lui le soir, fatigué de son propre plaisir, sans pouvoir jouir de quelque autre divertissement. Il retrouvait même ses oiseaux dans son sommeil : lui-même il était oiseau, il était huppé, il gazouillait, il criaillait, il perchait ; il rêvait la nuit qu’il faisait la roue.

Évelyne et Damek auraient dû entretenir des relations de bon voisinage. Tout les rapprochait : l’âge, l’éducation, la profession, les loisirs et la proximité de leurs habitations respectives. Pourtant, ils étaient en conflit : il arrivait de temps à autre que, emportés par le vent, des pétales des fleurs charnues d’Évelyne se retrouvent dans le jardin de Damek, que les paons les mangent et qu’ils en meurent dans d’atroces convulsions. Plongé dans une amère douleur, Damek nourrissait une humeur noire et chagrine dont tous souffrirent : il exigea d’Évelyne qu’elle retire ses fleurs empoisonnées. Or Évelyne n’acceptait à aucun prix de renoncer à ses fleurs toxiques car, selon elle, le trouble qui la saisissait à leur vue tenait justement à leur dangerosité : quiconque les croquait en mourait, c’est pour cela qu’elle les aimait ; cela évoquait en elle le souvenir de champs d’opiacés qu’elle avait visités en Turquie dans son enfance. De son côté, Évelyne engagea Damek à se procurer d’autres oiseaux, qui ne souffrissent pas du poison de ses fleurs. Mais Damek les aimait comme cela. Et de les faire grandir et de s’en occuper lui coûtait beaucoup trop en temps et en énergie pour qu’il supporte de les voir ainsi mourir.

Certains lecteurs jugeront cette histoire de fort mauvais goût. Nous ne saurions leur donner tort, car c’est justement la gêne ressentie à l’écoute de cette anecdote qui nous intéresse ici. A-t-on le droit de cultiver des fleurs empoisonnées dans son propre jardin et de se moquer à ce point de leurs effets néfastes ? Sans aucun doute, Évelyne est libre de faire ce qu’elle veut chez elle. Évelyne est une esthète, elle ne songe qu’à enrichir son univers de créations personnelles. Mais cela l’autorise-t-elle à fabriquer tout ce que son imagination capricieuse lui dicte, et à semer et cultiver des fleurs mortelles sans se soucier de leurs effets ? Doit-on imposer des limites à la liberté de créer ? Et, si tel est le cas, au nom de quelles règles peut-on le faire ? Et comment éviter que ces règles ne restreignent nos libertés de parole ou de pensée ?

Ces questions ne sont pas neuves. Dans le passé, les réponses que l’on y apportait reposaient sur l’évidence du sens commun, sur la coutume et sur la loi. Mais la sagesse d’antan n’a plus cours et les croyances ancestrales non plus. Cela provient pour une bonne part de la pénétration avec laquelle la science contemporaine rend compte des phénomènes les plus inexplicables. Mais cela tient aussi à la nature du monde actuel et à la facilité des échanges. Désormais, les cultures s’expriment, se diffusent, s’entrechoquent et se concurrencent. Comment en privilégier une plutôt qu’une autre ? Et tant que l’on ne parvient pas à offrir d’alternative viable et rigoureuse à la tradition, comment ne pas admettre comme également légitimes tous les systèmes de valeurs ? Cela amène à reformuler en termes neufs des questions anciennes relatives à la liberté de créer, à la propriété, à la frontière entre privé et public, au respect de la vie animale… et à essayer de leur apporter des réponses satisfaisantes pour le monde d’aujourd’hui, à la lumière des sciences contemporaines. Ce livre y contribuera peut-être, du moins telle est son ambition. Avant de traiter ces points, revenons à l’histoire d’Évelyne et de Damek. Leur conflit s’envenima au point que les deux voisins faillirent entrer en procès. Damek proposa que les fleurs d’Évelyne soient venimeuses à l’intérieur du jardin de cette dernière et inoffensives à l’extérieur. Mais Évelyne refusa, car c’était la toxicité même de ses fleurs qui la fascinait. Ils se disputèrent longuement, jusqu’à ce qu’ils parviennent à un accord acceptable pour les deux parties : les fleurs d’Évelyne seraient venimeuses pour ceux qui les posséderaient et qui en auraient acquitté le prix, et inoffensives pour les autres. Ainsi, si par aventure les pétales des fleurs d’Évelyne venaient à traverser le jardin de Damek, les oiseaux de Damek n’auraient pas à en pâtir même s’ils les croquaient, sauf si, par aventure, Damek venait à en payer le prix à Évelyne. Évelyne et Damek furent tous deux satisfaits de cet accommodement. Évelyne continua à cultiver son jardin comme elle l’entendait et les paons de Damek ne s’empoisonnèrent plus en mangeant les fleurs blanches et charnues.

Des lecteurs trouveront peut-être l’issue du conflit de voisinage entre Évelyne et Damek un peu tirée par les cheveux et, pour tout dire, invraisemblable : comment imaginer des fleurs qui soient vénéneuses pour leurs propriétaires et inoffensives pour les autres ? En dépit des apparences, ils ont tort, car l’anecdote se déroule dans un univers virtuel créé par des ordinateurs et semblable à celui de Second Life20. Ce monde est le nôtre21, nous le peuplons et nous nous y déplaçons à loisir ; mais ce monde est aussi constitué d’entités artificielles que nous inventons et avec lesquelles nous partageons de plus en plus souvent nos vies. Tout y est réalisable, des fleurs vénéneuses, des paons qui voient par tous les yeux de leur plumage, des chiens fluorescents, des licornes, des singes parlants… Et l’on peut doter ces personnages fictifs et ces objets virtuels de toutes les facultés imaginables. Il suffit de changer leur code de programmation pour qu’ils possèdent les propriétés mentionnées plus haut, et cela peut être fait à loisir.

Notons enfin que l’historiette d’Évelyne et de Damek n’est pas originale : c’est une adaptation d’une énigme juridique du cyberespace22 racontée par un philosophe du droit, Lawrence Lessig, dans son ouvrage intitulé Code23. Lawrence Lessig est un constitutionaliste. Depuis une quinzaine d’années, il réfléchit à la légitimité des différentes institutions de régulation de l’Internet. Pour lui, l’accommodement auquel parvinrent Évelyne et Damek atteste de la nouveauté du cyberespace : rien de tel n’aurait été possible auparavant, dans le monde ordinaire qui, seul, nous était familier, car les objets y conservaient leurs propriétés intrinsèques, tandis que ceux du cyberespace sont fabriqués de toute pièce et modifiables à loisir, ou presque. Ainsi, dans le monde usuel créé par la nature, les plantes possèdent des qualités propres valables pour tous, par exemple leur toxicité ou leurs vertus curatives, sans que nous puissions rien y changer. Nous savons seulement nous donner des lois qui autorisent ou proscrivent certains comportements, par exemple cultiver le pavot, en consommer et en faire commerce. Dans le cyberespace, il en va tout autrement : tout ce que notre imagination nous suggère et que nous savons programmer devient réalisable. Nous sommes en mesure non seulement de nous donner des lois, mais aussi de créer des objets et de les doter des propriétés que nous jugeons souhaitables, par exemple fabriquer des fleurs qui ne soient vénéneuses que pour leurs propriétaires. Et cette faculté d’invention se trouve amplifiée par la possibilité de réutiliser des programmes écrits par d’autres et de les modifier sans avoir à demander à leur auteur ni à qui que ce soit la permission de le faire.

Questions actuelles

Peut-être serons-nous amenés un jour à imposer des règles pour interdire des comportements considérés comme inadmissibles, parce que prédateurs ou indiscrets. D’ailleurs, dès à présent, on condamne les virus informatique, chevaux de Troie, vers et autres programmes informatiques malfaisants ; il existe même des conventions qui recommandent la discrétion aux robots virtuels24 d’exploration de la toile en leur enjoignant de ne pas visiter tel ou tel lieu25. En effet, à chaque site du Web est associé un fichier appelé « robot.txt » qui contient des informations de confidentialité. C’est là que vous pouvez déclarer explicitement si vous souhaitez exclure votre site ou une partie de votre site du champ d’investigation des robots. Associé à ces fichiers, existe un protocole d’échange que les robots d’exploration de la toile sont censés respecter, au risque, sinon, d’être qualifiés de malfaisants, puis d’être poursuivis, voire d’être exclus... On conçoit aisément qu’une telle législation soit nécessaire, et l’importance grandissante que prennent les mondes virtuels dans nos vies quotidiennes justifie indubitablement l’intérêt que l’on porte à leur règlementation. Mais on ne saurait se contenter d’édicter des règles de bon sens sans s’assurer qu’elles peuvent être respectées, qu’elles sont cohérentes et qu’elles demeurent viables dans toutes les situations envisageables, en dépit des exigences contradictoires que nous voudrions toutes voir satisfaites.

À titre d’illustration, voici un exemple qui nous concerne tous : au nom d’un principe de transparence, les informations qui circulent sur la toile devraient être accessibles à tous ; toutefois, nous préférons généralement que les informations relatives à la santé des individus demeurent cachées ; mais, dans des circonstances particulières, par exemple lors d’un accident au cours duquel nous aurions perdu conscience, nous aimerions que nos antécédents médicaux soient connus de ceux qui nous soignent sans que nous ayons à signer de décharge ; en revanche, nous ne voudrions pas que les médecins diligentés par notre compagnie d’assurance puissent en tirer argument pour remettre en cause notre contrat à cet instant critique…

Il se peut aussi que, pour protéger la propriété intellectuelle, on en vienne à interdire l’échange de textes, de fichiers musicaux ou de films et que la faculté de réutiliser et d’adapter librement les logiciels existants soit retirée. Si l’on arrivait à de telles extrémités, l’espace de liberté si propice à l’invention qui s’est ouvert sur la toile se fermerait et sa fécondité en viendrait certainement à se tarir.

L’objectif de juristes comme Lawrence Lessig est de définir les lois ou plus exactement les principes sur lesquels reposerait une législation qui préserverait l’ouverture de la toile, c’est-à-dire la capacité d’accéder à des contenus libres et de les réutiliser librement. Notre propos est à la fois plus restreint et plus général. Plus restreint car, comme nous allons le voir, il ne traite pas de toutes les sources de conflits que recèle le cyberespace – il n’aborde en particulier qu’incidemment les problèmes relatifs à la propriété intellectuelle ou à la cybercriminalité. Et plus général car il porte non sur la législation elle-même ni sur les principes sur lesquels elle repose, mais sur la structure sociale qui décidera d’encourager ou de proscrire certains comportements jugés bénéfiques ou, au contraire, néfastes. Accepterons-nous que quelques-uns nous surveillent et condamnent nos infractions au nom d’une loi à laquelle nos représentants auraient consenti ? Ou préférerions-nous que chacun participe activement à la justice publique et porte à la connaissance de tous, par le truchement des outils de communication qu’il a à sa disposition, toutes les attitudes répréhensibles dont il a eu vent ? Bref, c’est le fondement même de la loi et de son application que l’on remet en cause aujourd’hui, avec la possibilité, ouverte par les technologies de la communication, de disposer d’une justice participative à laquelle chacun contribuerait, de façon à faire régner l’équité et le respect. Ainsi, à supposer qu’une altercation adviennent dans la rue ou dans n’importe quel autre espace public, il se trouvera toujours quelqu’un pour la filmer avec son téléphone et la diffuser ensuite sur Internet, afin que tous puissent juger des responsabilités respectives des protagonistes ; a fortiori, lorsque la dispute intervient sur la toile ou sous l’œil de caméras de surveillance, les enregistrements automatiques pourront toujours être récupérés et soumis à tous, pour imputer la responsabilité de la faute en connaissant les faits, pour juger de façon objective et, éventuellement, condamner au nom de la collectivité. D’après les partisans de cette vigilance incessante, appelée « sousveillance », et qui consiste en l’enregistrement continu d’archives individuelles, en leur conservation et en leur libre mise à disposition de tous, cela conduirait à un nouvel ordre, plus juste et plus équitable. Selon eux, tout le monde se trouvant ainsi en permanence sous le regard de tous, chacun adopterait nécessairement un comportement digne tout en étant capable, grâce à ces traces, de prouver sa bonne foi, quoi qu’il arrive. Quelques-uns se réjouiront certainement de telles perspectives ; il se peut aussi que d’autres s’en alarment. Tous, en particulier ces derniers, feraient bien de s’en inquiéter dès maintenant et de se manifester tant qu’il en est encore temps car, si l’on n’y prend garde, c’est là ce que le futur nous prépare. Soulignons enfin que ces univers plus ou moins virtuels dans lesquels nous vivons aujourd’hui ne nous préexistent pas, nous les créons et les découvrons à mesure que nous les fabriquons et ils nous réservent bien des surprises. Les possibles sont innombrables. Nous devons les imaginer et choisir ceux qui nous satisfont le plus. Ce faisant, il faut savoir que les lois et les conventions auxquelles nous soumettrons ces univers numériques régissent à la fois des assemblées d’hommes équipés d’appareils variés (téléphone portable, localisation par satellite, stimulateur cardiaque, etc.), au milieu desquelles nos contemporains passent une partie de plus en plus grande de leur vie, et des sociétés artificielles, formées de myriades d’esclaves virtuels créés pour servir les hommes. Nous devons donc réfléchir au gouvernement de ces sociétés nouvelles où les femmes et les hommes partageront leur vie et échangeront continuellement non seulement avec d’autres femmes et d’autres hommes, mais aussi avec des robots. À titre d'illustration, des chercheurs de l’université Carnegie Mellon, à Pittsburg, aux États-Unis, ont fabriqué des agents intelligents qu’ils appellent « elfes », parce qu’ils vous suivent partout à longueur de journée, comme des esprits bienfaisants. Les elfes lisent vos courriels, gèrent vos agendas et enregistrent vos coups de téléphones. Ils vous envoient des SMS attentionnés à longueur de temps pour attirer votre attention. Ils aident leurs maîtres autant qu’ils le peuvent : ils prennent des rendez-vous comme des secrétaires zélés, ils commandent des billets d’avion, ils font des courses au supermarché, ils effectuent des démarches administratives, ils réservent des places au théâtre pour les sorties en famille, etc. Or il arrive que ces agents piègent bien malgré eux leurs protégés, qu’ils jouent par inadvertance des tours pendables à leur propriétaire. Par exemple, un universitaire qui avait un article à finir dans la journée a vu la liste des personnes qui voulaient le rencontrer ce jour-là s’allonger démesurément sur son agenda, parce qu’il ne savait pas expliquer à son agent que, tout en étant dans son bureau, il souhaitait ne pas être dérangé. Un autre a été réveillé à trois heures du matin par son elfe qui lui expliqua que l’avion qu’il devait prendre le jour même à onze heures serait retardé d’une heure. Après tout, ces désagréments sont mineurs et il n’y a rien là qui heurte notre éthique. Mais ce n’est pas toujours le cas. Les elfes qui gèrent les emplois du temps proposent à leurs protégés d’établir un ordre de priorité sur les rendez-vous, de sorte qu’il soit possible de décaler ou de remettre certains d’entre eux. Grâce à cela, si vous recevez un coup de fil de votre directeur qui vous convoque de façon urgente alors que vous aviez prévu de rencontrer votre secrétaire, l’elfe se charge de reporter cette seconde réunion. Dans ce contexte, il arrive que surgissent de nouvelles difficultés : par exemple, comment expliquer à l’une de vos étudiantes qu’elle n’a pas la priorité maximale alors qu’elle termine sa thèse ? Peut-être ne doit-on pas autoriser les elfes à dévoiler leurs ordres de priorité ? Mais cela signifierait que l’on fabrique des robots dissimulateurs. Est-ce éthique ? Plus généralement, les elfes disposent de sommes considérables d’informations sur nous. Doivent-ils les communiquer lorsqu’on les leur demande ? Si la réponse est négative, comment justifier une telle rétention d’information ?...

Les yeux de verre de Jennifer

Jennifer Ringley a des cheveux blond vénitien et des yeux verts ; elle mesure 1,75 m, chausse du 43 et porte des lunettes. Elle passe son temps à lire, à décorer son appartement, à faire du yoga, à voyager et, surtout, à écrire des courriels. Elle aime le papier à fleurs et se ronge les ongles. À l’âge de dix-neuf ans, elle a installé un œil électronique dans sa chambre d’étudiante et l’a connecté à la toile ; pendant sept ans, d’avril 1996 à fin 2003, elle a diffusé en continu l’intégralité des images de sa vie privée prises par cette caméra personnelle. Pendant toute cette période, les visiteurs de son site ont assisté – en direct ou en différé, au choix – au quotidien de Jennifer. Celui-ci se composait de conversations amicales, de longues lectures, de repas, de travaux variés ou de séances de télévision. Il arrivait aussi qu’elle se lave les dents ou qu’elle se présente dénudée devant la caméra. On la voyait même au lit, en train de jouer avec son chat ou de dormir, parfois seule, parfois en compagnie d’un homme. La diffusion planétaire et continue des images de la vie intime de cette jeune femme déconcerta. Elle devint rapidement célèbre ; son site compta jusqu’à 5 millions de visiteurs quotidiens. Certains médias se scandalisèrent : Internet encourageait la perversion et la répandait sur toute la surface de la Terre. Pour eux, ce succès tenait à l’exposition, par une très jeune femme, de sa nudité, produit d’une pulsion exhibitionniste classique qui trouvait son complément – et sa satisfaction – dans un voyeurisme tout aussi classique chez les internautes. Internet donnait donc libre cours à ces pratiques perverses à l’échelle de la planète entière ! Sans doute ont-ils raison : la toile et, plus généralement, les outils de communication numérique se présentent bien souvent comme les vecteurs modernes de très anciennes pratiques. En cela, ils laissent le champ libre à l’expression de toutes sortes de déviances mafieuses, criminelles ou sexuelles.

Mais les plus fervents admirateurs de Jennifer Ringley commentent tout autrement l’exhibitionnisme électronique dont elle est la pionnière : pour eux, on ne saurait aucunement le confondre avec un exhibitionnisme vulgaire. Si Jennifer Ringley dévoile continûment son intimité, ce n’est pas pour provoquer une excitation d’ordre sexuelle, mais pour décaler et déranger : elle se montre et, ce faisant, elle montre aussi ; elle ne se donne pas uniquement à voir, elle donne à voir ce qui s’annonce, elle dessille et transforme notre regard sur le monde actuel. D’ailleurs, Jennifer Ringley avertit clairement les visiteurs de son site : elle souhaite partager d’intégrales tranches de sa propre vie et les faire passer, grâce aux technologies modernes de communication, de l’espace privé à l’espace public. Jennifer Ringley se décrit elle-même comme une scientifique réalisant des « expériences sociales ». Et beaucoup la considèrent comme une artiste conceptuelle contemporaine, artiste totale s’il en est, car elle est à la fois l’actrice principale de ses œuvres, leur scénariste, leur metteur en scène et l’ingénieur de leur réalisation.

L’œil-robinet de Steve Mann

En 2004, l’année qui suivit la cessation des enregistrements de Jennifer Ringley, la plus ancienne société savante d’informatique, la très austère Association for Computing Machinery (ACM), parraina un colloque intitulé CARPE (Continuous Archival and Retrieval of Personal Experiences) et consacré à la matérialisation des mémoires individuelles, à leur archivage et à leur consultation par le truchement des technologies numériques contemporaines. L’œuvre de Jennifer Ringley y fut abondamment commentée. D’autres travaux y furent présentés26. Steve Mann, diplômé du MIT et célèbre professeur de l’université de Toronto, y participa activement.

Depuis de nombreuses années, ce chercheur conçoit et expérimente des organismes humains augmentés de dispositifs électroniques, des cyborgs. Ces êtres composites possèdent généralement un fort instinct grégaire : ils vivent en groupe et partagent à distance des impressions sensibles, par exemple des sensations visuelles et/ou auditives enregistrées avec des microphones et des caméras, puis transmises par des réseaux numériques sans fil. Dans l’esprit de leur concepteur, cette communication interindividuelle ne saurait se restreindre à un échange instantané : on doit aussi être en mesure de léguer en différé ses sensations à ses amis, à sa famille, éventuellement à soi-même pour les revivre, ou encore à sa descendance, qui participera ainsi aux événements passés auxquels nous avons assisté. Dans cette perspective, Steve Mann réalisa un dispositif électronique baptisé du nom suggestif d’EyeTap (littéralement « œil-robinet »), car il se place sur l’œil pour enregistrer en continu l’intégralité de notre champ visuel, le stocker, en restituer à volonté n’importe quelle partie, la transmettre et, surtout, mettre l’ensemble à disposition de tous sur la toile. Grâce à l’EyeTap, tous seraient à tout moment en mesure de savoir tout ce que leurs congénères font et ont fait dans le passé. Selon son concepteur, ce procédé pourrait être étendu à tous les sens : l’ouïe, le toucher, le goût et peut-être même l’odorat. Songeons alors à ce qu’il adviendrait si tous voyaient par nos yeux, entendaient par nos oreilles, touchaient par nos mains, goûtaient par notre bouche et sentaient par notre nez… Certains s’inquiéteront d’une telle intrusion susceptible de conduire à une société oppressive où, offrant toutes leurs sensations en libre accès à tous, les individus perdraient le sentiment de liberté.

Selon Steve Mann, il n’y a rien à craindre, ces appréhensions viennent d’un autre âge. La constitution d’archives des sensations individuelles et leur mise à disposition de tous ne pèsera pas sur l’individu ; bien au contraire, elles l’aideront à s’affranchir de l’arbitraire des pouvoirs institués. Pour reprendre ses propres termes, nous passerons d’une société de surveillance, où le regard vient d’une autorité centrale placée au-dessus – autrement dit « sur » – pour diriger et commander, à une société de sousveillance, dans laquelle chacun met librement ses propres impressions sensibles à la disposition de tous pour, en retour, bénéficier de celles de ses congénères. Tandis que, dans la société régie par la surveillance, le regard vient d’en haut, c’est-à-dire du souverain qui s’assure ainsi que ses édits ont bien été exécutés et que tous respectent son autorité, dans la logique de sousveillance, nous nous soumettons volontairement au regard de nos égaux ou de nos inférieurs, dont nous devenons, en quelque sorte, les obligés. À certains égards, cela évoque l’idée du quatrième pouvoir, le pouvoir de l’opinion, né pendant la Révolution française : son rôle consistait à soumettre les représentants du peuple à la volonté de leurs électeurs afin d’éviter toute forme d’abus de pouvoir. Nous reviendrons plus loin sur les éventuelles implications politiques de ce type de dispositif ; mais auparavant, tâchons de comprendre la logique un peu surprenante de la sousveillance.

...


Notes et référence

  1. Strabon, Géographie, Livre VII, texte établi et traduit par Raoul Baladié, Paris, Les Belles Lettres, 1989. (1)

  2. Jean-Marc Ferry, Les Grammaires de l’intelligence, Paris, Le Cerf, coll. « Passages », 2004. (2)

  3. Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, trad. G. Fradier, Paris, Press Pocket, 1993. (3)

  4. Thomas Hobbes, Léviathan : traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile, texte original paru en anglais en 1651, trad. et annotations F. Tricaud et M. Pécharman, librairie philosophique J. Vrin, 2005. (4)

  5. Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social ou principes du droit politique, édition originale 1762, Paris, Flammarion, coll. « GF/Philosophie », 2001. (5)

  6. Pierre Manent, Les Libéraux, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2001. (6)

  7. Lucien Jaume, « Le public et le privé chez les Jacobins (1789-1794) », Revue française de science politique, vol. 37, n° 2, 1987, p. 230-248 ; accessible en ligne sur le site Persée, à l’adresse : http ://www.persee.fr (7)

  8. Louis-Antoine-Léon Saint-Just, Fragments sur les institutions républicaines, Paris, 10-18, coll. « Fait et cause », 2003 (8)

  9. Le lecteur intéressé pourra consulter l'ouvrage très bien documenté de Michel Alberganti, Sous l’œil des puces : la RFID et la démocratie, Arles, Actes Sud, 2007. (9)

  10. Le lecteur intéressé peut consulter un article paru en janvier 2009 sur les bénéfices du partage de données et intitulé « The Societal Benefits of Data Sharing » à l’adresse : http://www.1to1media.com/View.aspx?DocId=31350 (10)

  11. On pourra aussi consulter la version électronique de cet article, qui porte exactement le même titre, parue le 12 mars 2009 dans la revue Internet Actu et consultable à l’adresse : http://www.internetactu.net/2009/03/12/la-vie-privee-un-probleme-de-vieux-cons/ (11)

  12. Georges Balandier, Le Grand Système, Paris, Fayard, 2001. (12)

  13. Georges Balandier, Civilisés, dit-on, Paris, PUF, 2003. (13)

  14. Thomas Friedman, The World is Flat : a Brief History of the Twenty-First Century, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2007. (14)

  15. Le Catopticon et le Panopticon, dont le premier dérive, sont décrits en détail dans le chapitre 2, intitulé « Architectures de surveillance et de sousveillance ». (15)

  16. Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975. (16)

  17. Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, trad. M. Rueff, Paris, Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothèque Rivages poche », 2007. (17)

  18. Michel Foucault, Dits et écrits : 1954-1988, volume III, Paris, Gallimard, 1994., p. 299 sqq. (18)

  19. Néologisme forgé sur la contraction de « cybernetic organism », le mot « cyborg » désigne des organismes hybrides faits de matière à la fois organique et minérale, couplant des êtres vivants à des dispositifs électroniques ou, plus exactement, cybernétiques. (19)

  20. Les techniques dites de « réalité virtuelle » permettent désormais de reconstituer les sensations visuelles d’un homme qui se promènerait dans un univers imaginaire à trois dimensions où il serait plongé. Second Life est l’un de ces univers. Il est accessible à tous, ce qui signifie que tous peuvent y acheter des terres, s’y construire des maisons, s’y habiller, s’y amuser, y travailler, etc. (20)

  21. Ces univers virtuels sont familiers à tous les enfants du XXIe siècle, qui y passent de grandes parties de leurs journées et qui échangent des objets et des êtres imaginaires sur les réseaux, par delà les frontières linguistiques et territoriales. À cela, il faut ajouter les innombrables applications professionnelles des jeux de simulation et de ce que l’on appelle les serious games (« jeux sérieux »). (21)

  22. La notion de cyberespace a été introduite par le romancier William Gibson dans son ouvrage Neuromancien. Elle a été reprise à plusieurs reprises, à la fois dans la science fiction et dans l’univers d’Internet. (22)

  23. Lawrence Lessig, Code and Other Laws of Cyberspace, New York, Basic Books, 1999. On peut aussi consulter la nouvelle édition de ce livre, intitulée Codev2, sur Internet où elle est accessible gratuitement (en anglais), à l’adresse : http ://codev2.cc/ (23)

  24. Au-delà de la robotique matérielle s'élabore désormais une robotique dite « virtuelle », parce qu’elle ne se déploie pas dans le monde extérieur, mais uniquement dans des univers qualifiés de « virtuels », car ils passent par des flux numériques d’information. À titre d’illustration, les moteurs de recherche fonctionnent à l’aide de tels robots, qui parcourent la toile en tous sens pour aspirer les informations et les indexer, de façon à permettre à tous de les retrouver. (24)

  25. Pour plus de détails sur cette question, le lecteur pourra se référer au Répertoire des robots du Web, accessible en ligne à l’adresse : http ://www.annuaire-info.com/robots.html (25)

  26. Jane Bailey et Ian Kerr, « The experience capture experiments of Ringley & Mann », Ethics and Information Technology, Springer Netherlands, vol. 9, n° 2, juillet 2007, p. 129-139. (26)

VoiretPouvoir (last edited 2011-07-01 08:23:29 by GustaveGanascia)